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Intelligence artificielle : la botte secrète de l’environnement ?
5 avril 2022Actuellement apprenant au sein du MBA du Management de l’Intelligence Artificielle de ILV Executive Education, Fabien Omhover a publié le 18 mars 2022 un article mêlant nature et intelligence artificielle. L’article traite des divers effets, tant positifs que négatifs, de l’intelligence artificielle sur l’environnement ainsi que les solutions que celle-ci peut nous apporter. Certains enjeux et objectifs sont également présent dans cet article que nous vous laissons découvrir ci-dessous :
Introduction
Tous les experts s’accordent sur le fait que l’activité humaine influe fortement sur notre belle planète ! Le 6e rapport du GIEC indique une forte probabilité que le seuil de +2°C de réchauffement soit dépassé au cours du XXIe siècle. Et notre activité numérique représente plus de 4% des émissions de gaz à effet de serre mondiales et 10% de la consommation électrique. Thierry, Ango, Vincent et moi-même avons tenté de synthétiser le résultat de nos recherches sur la problématique spécifique de l’intelligence artificielle et de l’environnement. La première partie de cet article sera consacrée aux solutions concrètes apportées par l’IA dans ce domaine. Dans notre deuxième partie, nous nous intéresserons aux ressources nécessaires à l’IA… et qui, donc, impactent l’environnement.
Prêts à nous suivre dans notre analyse ? Allez, c’est parti !
Avant toute chose, définissons l’IA : On peut comparer l’IA à une forme d’intelligence attribuée aux machines. Il s’agit d’un outil leur permettant d’être autonomes et d’adopter des comportements humains, voire surhumains, grâce à l’utilisation d’algorithmes.
L’IA a la capacité d’apprendre et de comprendre des données ou informations qui lui sont soumises, de les mémoriser et d’utiliser l’expérience issue des actions précédentes pour s’adapter à de nouvelles situations. On entend souvent parler de Machine Learning (ML), qui est le modèle d’apprentissage le plus utilisé.
On la retrouve dans tous les secteurs de l’économie et dans tous les objets du quotidien (robots, voitures autonomes, assistants virtuels, logiciels, smartphones, etc.). Il est donc essentiel d’atteindre un juste équilibre entre éthique, protection de la vie privée et utilisation d’outils qui nous facilitent la vie et améliorent notre quotidien.
A ce titre, l’IA peut être un véritable levier dans la transition écologique en apportant des solutions concrètes aux problèmes générés par l’activité humaine. Nous allons donc nous intéresser aux solutions existantes et aux solutions de demain.
L’IA au secours de notre planète
- Le bâtiment, domaine à fort potentiel de lutte contre le réchauffement climatique
Le secteur du bâtiment représente 44 % de l’énergie consommée en France, loin devant le secteur des transports (31,3%). Chaque année, le secteur du bâtiment émet plus de 123 millions de tonnes de C02, ce qui en fait l’un des domaines-cibles dans la lutte contre le réchauffement climatique et pour la transition énergétique.
L’IA peut apporter une aide précieuse. Exemple : une entreprise appelée EnerNOC a créé une application qui permet aux gestionnaires de bâtiments de réduire la consommation d’énergie en fournissant des données en temps réel et des recommandations sur la façon dont ils peuvent optimiser la consommation d’énergie d’une structure. Ce pilotage peut entrainer par exemple la baisse de luminosité, l’ajustement de la température, le changement de planification de lignes de production à d’autres moments dans la journée etc.
- La fibre optique et l’IA, une piste pour atteindre la neutralité carbone ?
Avec les réseaux à fibre optique, nous pouvons espérer consommer cinq fois moins d’électricité qu’avec les réseaux cuivre, avec un cycle de vie plus long. Cela est rendu possible par la gestion des capteurs qui permettent la réduction de notre consommation d’énergie, de chauffage ou d’eau. Cette technologie rendra nos logements et bureaux plus « intelligents » et réduira notre empreinte carbone.
- L’agriculture, de meilleures récoltes avec moins de ressources
Des drones dans les champs ! Ceux-ci assurent la surveillance des cultures et des sols. Les images collectées sont analysées par des algorithmes d’apprentissage automatique et des conseils sont alors fournis pour optimiser la lutte antiparasitaire en limitant ainsi l’usage de produits phytosanitaires. En complément des données déjà collectées, les images captées par des satellites et les données météorologiques alimentent des modèles d’IA pour une agriculture de précision en proposant un plan de culture personnalisé (type de culture, gestion de l’eau, plantation optimale). La robotique agricole rend aussi possible l’automatisation de la récolte et le contrôle des mauvaises herbes. Toutes ces applications accompagnent l’agriculteur dans sa prise de décision pour une gestion plus durable des ressources.
LE TRANSPORT : EN ROUTE POUR L’OPTIMISATION DES TRAJETS
- Un exemple avec Sightness, un système pour décarboner les transports
Avec 10 % des émissions totales de C02, le transport de marchandises a un impact sur l’environnement. Le logiciel Sightness automatise le traitement des informations afin d’obtenir des données fiables et homogènes, et l’algorithme permet d’identifier les anomalies et de suggérer des optimisations efficaces. L’algorithme IA du logiciel permet de suivre l’évolution des émissions, mais aussi d’identifier les pistes d’optimisation et de recommander différents scénarios de plans d’action, en comparant par exemple les différentes routes possibles ou la fréquence des livraisons.
- Un exemple avec Eodyn, un système qui optimise le transport maritime
Yann Guichoux (CEO d’Eodyn) s’intéresse aux télécommunications et à l’Automatic Identification System (AIS), qui équipe tous les navires de commerce et de transport depuis 2007. Ce système permet d’envoyer en temps réel la situation de n’importe quel bateau : vitesse, route, identifiants… Grâce à l’Intelligence artificielle développée par la start up bretonne, ils étudient ces informations après avoir ingéré les caractéristiques propres à chaque navire. Grâce aux quelques 100 000 navires qui parcourent simultanément la planète, la société dispose d’autant de points de mesures pour fournir en temps réel ces informations. S’il était installé sur tous les navires de commerce, le système permettrait d’économiser entre 2 à 3% de carburant et d’éviter l’émission de 37 mégatonnes de CO2 chaque année. Et celui-ci est en passe d’être amélioré en étudiant les possibilités d’étendre la technologie à la mesure de la houle et des vents.
- Le jumeau numérique, une technologie à venir au service de l’environnement
Est-ce que vous connaissez E2 ?
Alors non, rien à voir avec R2D2 de Stars Wars ! Il s’agit d’un jumeau numérique. Une belle avancée de NVIDIA et de ses partenaires !
Surtout utilisé dans l’industrie 4.0, le jumeau numérique permet, avant même la conception d’une usine, de simuler son ergonomie, sa productivité et même sa consommation d’énergie.
Avec Earth 2 (E2), un projet de jumeau numérique de la Terre, nous serons capables de prédire le changement climatique en tirant parti de vitesses de calcul alimentées par l’intelligence artificielle. C’est juste impressionnant !
Autant dire que nous pourrons évaluer des hypothèses de développement émises par des gouvernements et anticiper nos actions sur notre planète.
VERS 0% d’ EMISSIONS DE CARBONE NETTES ?
Les émissions de carbone sont une préoccupation majeure en matière d’environnement et de changement climatique. De nombreux pays, industries et entreprises se sont fixé des objectifs ambitieux dans le domaine de la neutralité carbone et de la réduction des émissions, ce qui constitue un engagement fort envers le monde. Et l’industrie de la téléphonie mobile ne fait pas exception avec son avancement vers la 5G. Certaines industries ont reçu l’ordre de réduire leurs émissions de carbone, comme Royal Dutch Shell, à qui un tribunal de La Haye a ordonné de diminuer ses émissions mondiales de carbone de 45 % d’ici à la fin de 2030 par rapport aux niveaux de 2019.
D’autres entreprises, comme BCG, tentent de réduire les émissions de carbone et les coûts grâce à la puissance de l’IA. Elles utilisent une solution alimentée par l’IA pour aider les entreprises à mesurer avec précision, simuler, suivre et optimiser leurs émissions à l’échelle. D’après leurs hypothèses, l’IA peut permettre d’atteindre 5 % à 10 % de la réduction nécessaire, soit entre 2,6 et 5,3 gigatonnes de CO2.
Mais toute médaille a son revers et l’IA pourrait aussi représenter l’une des activités les plus productrices de CO2. Nous avons souhaité étudier ce sujet afin d’y voir plus clair.
Le numérique (et donc en partie l’IA) est à l’origine de plus de 4% des émissions de gaz à effet de serre
Qu’en est-il des applications de l’IA ? Plusieurs rapports s’alarment de la progression de la consommation énergétique des applications de l’apprentissage profond.
Une petite définition : Le deep learning ou apprentissage profond est un type d’intelligence artificielle dérivé du machine learning (apprentissage automatique) où la machine est capable d’apprendre par elle-même, contrairement à la programmation, où elle se contente d’exécuter à la lettre des règles prédéterminées.
Des chercheurs du MIT ont même estimé l’empreinte carbone des quatre modèles à la pointe de l’IA (GPT-2, BERT, ELMo, Transformer). Certaines technologies particulièrement complexes pourraient consommer l’équivalent de 316 allers-retours New York – San Francisco. Notamment dans les processus de Deep Learning, la création d’une IA efficace pourrait être coûteuse pour l’environnement. Près de 300 000 kilogrammes d’émissions équivalentes de dioxyde de carbone sont créés au cours du processus de formation d’un seul modèle.
L’IA consomme de l’énergie, car elle repose sur une infrastructure numérique qui, dans certains cas, impose beaucoup de données pour lui faire apprendre un comportement qu’elle sera en mesure de reproduire automatiquement par la suite. Pour cela, elle doit être « entraînée ». Cet exercice peut nécessiter une grande puissance de traitement en fonction du nombre d’opérations à réaliser. Les algorithmes d’apprentissage automatiques basés sur des modèles mathématiques s’appuient sur des données d’échantillon, « données d’entraînement », pour établir des prédictions ou prendre des décisions sans être explicitement programmés pour le faire. En d’autres termes, c’est grâce à l’entraînement qu’une application d’IA devient « intelligente”.
Vers une prise de conscience pour une IA raisonnée ?
Les chercheurs et ingénieurs du monde entier travaillent dans le domaine de l’optimisation des consommations énergétiques des solutions IA. L’objectif ? S’inspirer de l’intelligence humaine et de sa consommation (20W), et effectuer des millions d’opérations à la seconde, propres à l’intelligence de tous.
Les chercheurs travaillent sur de nombreuses pistes : de nouvelles puces écoconçues pour la forte demande de calcul des réseaux de neurones profonds ; mise à disposition en open source des modèles déjà entraînés. En effet, il ne sert à rien de refaire des millions de calculs pour des cas d’usages dans les entreprises s’ils sont déjà implémentés.
La course à l’IA verte est donc bel et bien lancée !
Pour conclure
Vous l’aurez compris, l’IA a des effets positifs et négatifs sur l’environnement. Car si elle s’annonce comme un véritable levier dans la transition écologique, il n’en demeure pas moins qu’elle consomme de l’énergie.
Avec la pression des accords de Paris, qui imposent aux Etats-membres de réduire leur empreinte carbone de 55% d’ici 2030, l’utilisation de l’intelligence artificielle et la mobilisation de l’intelligence collective des chercheurs du monde entier est indispensable. Puces écoconçues, mise à disposition des modèles… les pistes d’optimisation de cet outil fantastique ne manquent pas ! Certains évènements nous montrent que notre modèle de consommation est fragile et pas éternel.
L’innovation de l’IA au service de l’environnement, basée sur l’éthique et les valeurs, peut participer, à n’en pas douter, à la résolution du dilemme séculaire de l’homme : comment vivre en équilibre avec l’environnement. Il y va de notre responsabilité collective envers les prochaines générations et nous devons travailler sans relâche, chercheurs, industriels, politiques, citoyens pour leur transmettre notre unique maison, la Terre.