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Lundi de la Cybersécurité Avril 2021 : Cyberpouvoir, crime et châtiment
15 juin 2021Par Gérard Peliks, Intervenant du MBA Management de la Cybersécurité
Raskolnikov, un étudiant en droit, sans le sou, qui a dû faute de moyens interrompre ses études, erre dans les rues des quartiers sombres de Saint-Pétersbourg. Pour survivre, il engage, auprès d’une vieille dame, prêteuse sur gage, le dernier bien qu’il possédait, la montre que lui a donnée son père. Mais qui ne tente rien pour améliorer sa situation, n’est qu’un minable, alors il assassine cette dame à coups de hache et sa sœur qui les avait surpris. L’argent volé va lui servir à améliorer la condition humaine. Ainsi agissent les grands Hommes, comme celui qu’il pense être.
Mais vient le temps du remord qui le tenaille, qui ne le quitte plus. Il constate qu’il est loin d’être un grand homme. Il n’est qu’un vulgaire assassin. Alors il se livre aux autorités pour expier son crime et tenter d’apaiser sa culpabilité. Les années de bagne, en Sibérie, seront pour lui le châtiment pour son crime, qui le conduiront à sa rédemption grâce à l’amour d’une ancienne prostituée, Sonia.
De cette histoire, Fiodor Dostoïevski nous livre un monument de la littérature mondiale et donne au roman noir ses lettres de noblesse. C’est de cet ouvrage très psychologique que la professeure Solange Ghernaouti, de l’université de Lausanne, auteure du livre « Cyber Power, crime, conflict and security in cyberspace », tire le titre du Lundi de la cybersécurité du mois d’avril, animé le lundi 19 avril par webinaire « Cyberpouvoir : crime et châtiment ».
Crime et châtiment
Un individu qui a le pouvoir conféré par ses connaissances pointues en programmation, mais qui ne trouve pas, dans les réseaux sociaux, son bonheur et sa reconnaissance parmi les internautes, est-il autorisé à se lancer dans la conception de rançongiciels, avec l’idée de faire bénéficier d’une partie de ses gains son pays ou ceux, autour de lui, qui sont dans le besoin ?
Le gouvernement d’un pays qui n’a pas de ressources suffisantes pour nourrir sa population peut-il tirer parti de cyberattaques sur des pays « riches ». Quel en serait le châtiment et conduirait-il les cyberprédateurs vers une rédemption ? Le cybercriminel, une fois sa peine purgée, va-t-il se reconvertir en chevalier blancs des Pentests (tests de pénétration) et du Bug Bounty (recherche de failles), de manière éthique et sous contrat, pour se racheter auprès de ceux qu’il a escroqués ?
Je donne la plume à Solange Ghernaouti
« L’omniprésence des technologies du numérique dans notre environnement façonne nos manières d’être, de penser et d’agir. L’informatique est un instrument de puissance et de pouvoir pour ceux qui la maitrisent et un joug pour ceux qui en dépendent. Cette conférence aborde différentes facettes de l’expression du cyberpouvoir que détiennent les acteurs licites et illicites.
« Crime et châtiment », en échos aux propos de Dostoïevski, et notamment à « l’ébranlement général de la société (du fait du numérique) », à « la formation progressive du surhomme (informatisé) qui acquiert sa stature définitive dans le crime, au mépris de l’homme ordinaire », à « notre fascination (du cyber) doublée d’amour-haine », parce que « la vie dans sa boue et ses crimes, se passe ailleurs, à la périphérie (de l’Internet et des systèmes connectés) ».
La liberté de l’Homme exige-t-elle que tout soit permis ?
Au travers de questions choisies relatives aux cyberconfits, à la cybercriminalité, à la gouvernementalité algorithmique et à l’intelligence artificielle, sont analysés certains aspects d’ordre social, économique et politique du cyberpouvoir. Un regard critique sur le monde que nous contribuons à construire et sur celui que nous laisserons en héritage aux générations futures est apporté, afin, qu’à l’ère des technosciences, tenter de savoir « si la liberté de l’Homme exige-t-elle que tout soit permis ? ».
Je reprends la plume
Solange Ghernaouti est professeure à l’université de Lausanne, (Faculté des HEC). Solange est experte internationale en cybersécurité et cyberdéfense, et intervient dans les colloques les plus prestigieux. Elle est membre de l’Académie suisse des sciences et directrice du Swiss Advisory & Research Group.
Solange fait partie de ces femmes admirables qui ne portent pas de sweat à capuche mais qui pourtant travaillent dans la cybersécurité. En octobre, elle a été Lauréate du Trophée de la Femme Cyber 2020 – catégorie Dirigeante & Entrepreneure – organisé par le Cercle des Femmes de la Cybersécurité (CEFCYS). J’étais dans le jury et ça a pas mal discuté car les 191 candidates méritaient toutes un trophée pour leurs parcours exceptionnels. Pour la catégorie « Dirigeante & Entrepreneure » l’unanimité s’est faite autour de Solange, qui est, selon le grand quotidien suisse, « Le Temps », une des 100 personnes qui ont fait la Suisse numérique.
Lieutenant-Colonelle de la réserve citoyenne de la gendarmerie nationale, elle est franco-suisse, et gageons qu’elle portera l’épinglette de l’ARCSI – Association des Réservistes du Chiffre et de la Sécurité de l’Information – au-dessus de son ruban rouge de la légion d’honneur.
Les « Lundi de la cybersécurité »
Organisés par Béatrice Laurent et Gérard Peliks, intervenant au sein du MBA Management de la Cybersécurité Devinci Executive Education avec la logistique en présentiel ou en distanciel de l’université de Paris, les « Lundi de la cybersécurité » se tiennent un lundi par mois, de 18h à 20h. Entre 150 et 200 participants assistent et peuvent aussi, à la suite de la présentation, poser des questions aux intervenants. S’ensuivent des débats très intéressants entre experts du sujet traité.